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dimanche 19 mars 2017

L'irrésistible retour du 4-4-2

Entre 2000 et 2015, le 4-4-2 est progressivement tombé dans l'oubli, du moins au sommet de l'affiche. Le fameux 4-3-3, prôné par Johan Cruyff en son temps, et repris à merveille par Guardiola au Barça, est alors apparu comme la nouvelle référence, avant d'être concurrencé par le 4-2-3-1, mis en place par Mourinho sur le banc du Real Madrid.
Mais il se trouve que le 4-4-2 est en train de faire son grand retour, en losange ou à plat, avec un succès qui donne des idées à certains. Quels sont les meilleurs exemples de cette résurrection ?

Un système en losange qui bétonne l'entrejeu.

La première équipe à retrouver un succès significatif en 4-4-2 aura été la Juventus de Turin, sous la direction du tacticien hors-pair qu'est Massimiliano Allegri. Disposant son équipe en losange, il atteindra la finale de la Ligue des Champions en 2014-2015, mais, privé de Chiellini (le pilier de sa défense) sera vaincu par le FC Barcelone (1-3).
Laissant une grande liberté aux latéraux (Evra côté gauche et Lichtsteiner à droite), son système était basé sur un quatuor de joueurs au profil très similaire au milieu de terrain, tous étant des relayeurs sans véritable préférence pour un rôle plutôt défensif ou porté vers l'avant.
Pirlo était positionné devant la défense, avec pour objectif de faire sortir les ballons pour distribuer le jeu avec sa justesse habituelle ; Marchisio, décalé à droite, devait gratter le cuir dans les pieds adverses pour soulager sa défense ; Pogba, côté gauche, devait harceler le porteur de balle, tout en faisant admirer sa vista ; et Vidal, positionné en meneur de jeu, était la pierre angulaire de l'équipe, aussi bien pour son volume de jeu colossal que pour ses qualités offensives.
Une telle organisation est généralement composée d'une pure sentinelle, d'un duo de relayeurs et d'un véritable numéro 10. Mais ce qu'Allegri avait compris, c'était la capacité de ses joueurs à remplir avec brio l'ensemble des tâches requises au milieu de terrain.


Ce système permettra d'ailleurs à Diego Simeone de mener l'Atlético de Madrid sur le toit de l'Espagne en 2014, ainsi qu'en finale de la Ligue des Champions.
Là aussi, les latéraux avaient un rôle primordial dans les offensives de l'équipe (9 passes décisives de Juanfran à droite, 6 passes décisives de Filipe Luis à gauche). Le milieu de terrain était bâti autour de Tiago et Koke, les relayeurs chargés d'assurer le lien entre la défense et l'attaque. La pointe défensive du losange était occupée par Gabi, et la pointe offensive par Arda Turan, qui était aligné en soutien de la doublette David Villa - Diego Costa.
Combiné à la grinta transmise par l'entraîneur à ses joueurs, ce schéma tactique a permis de faire tête aux favoris du Championnat (2 victoires et 4 nuls contre le trio Séville-Barcelone-Real Madrid) comme en Ligue des Champions (4 victoires et 2 nuls contre le trio Milan AC-Barcelone-Chelsea), pour finalement passer à quelques minutes d'un doublé, et devoir se contenter du titre national.


Le losange sera également utilisé par Fernando Santos avec le Portugal, à l'occasion de l'Euro 2016, avec une simple modification. En effet, derrière un surprenant duo Ronaldo - Nani, il alignera un quatuor de joueurs aux caractéristiques différentes.
William Carvalho, un milieu défensif pure souche, sera chargé de protéger sa défense ; Renato Sanches (à droite) et Adrien Silva (côté gauche) feront la loi dans l'entrejeu, en grattant les ballons pour ensuite se projeter rapidement vers l'avant ; et, derrière les attaquants, Joao Mario fera parler sa belle vision du jeu pour mener les attaques des futurs champions d'Europe.
En faisant déjouer ses adversaires, de la Croatie à la France, en passant par la Pologne et le Pays de Galles, les partenaires de CR7 respecteront admirablement leur plan de jeu, pour aller au bout de leur projet.


Un dispositif à plat qui marche par paires.

Le 4-4-2 à plat est autrement plus dangereux que le losange, car il s'expose à des failles au milieu de terrain. Mais avec les joueurs adaptés, il peut être dévastateur.
Ainsi, le premier exemple est celui de Leicester City, la surprise monumentale de l'an passé. Sous la direction de Ranieri, les Foxes avaient remporté la Premier League en utilisant ce système de jeu, un choix risqué mais superbement assumé. Avec une charnière centrale impitoyable dans les duels(Morgan et Huth, deux colosses d'1 mètre 90) et un duo fantastique dans l'entrejeu (le précieux Drinkwater et l'inusable Kanté), le but était sous bonne garde. Offensivement, il y avait aussi du beau monde, Albrighton (côté gauche) et Mahrez (à droite) étant chargés d'encadrer Jamie Vardy, renard des surfaces parfaitement secondé par Okazaki.
En choisissant de subir, ils ont pris à revers toutes les grosses formations du championnat (sauf Arsenal), et se sont emparés de la première place en capitalisant sur leurs qualités : solidarité, patience et vitesse d'exécution.


L'équipe de France doit aussi beaucoup à ce schéma tactique. Adopté lors de l'Euro 2016, il a permis à Griezmann de trouver sa place, aux côtés de l'excellent point de fixation qu'est Giroud.
Sur les ailes, Payet (côté gauche) et Sissoko (à droite) étaient parfaitement dédoublés par Evra et Sagna, qui pouvaient compter sur Matuidi et Pogba pour couvrir leurs montées. S'appuyant sur jeu riche et varié (transversales, passes courtes, jeu dans la profondeur), ils avaient toutes les cartes en main pour s'imposer à domicile.
Une organisation (presque) sans faille, déjouée par une équipe du Portugal taillée pour l'exploit dans son 4-4-2 losange ...


Le dernier exemple est aussi l'un des plus évidents, à savoir celui de l'AS Monaco. En faisant revenir Falcao, en perdition à Chelsea, et Germain, auteur d'une très bonne saison à Nice, le club de la Principauté a eu le nez creux. Le Colombien est de retour à son meilleur niveau (24 buts), le Français n'a pas à rougir de son bilan non plus (13 buts), et Monaco terrorise les défense d'Europe (124 buts en 46 rencontres cette saison).
La formidable épopée des Monégasques est aussi liée à l'incroyable solidité du milieu de terrain, composé de Fabinho (latéral droit de formation) et de Bakayoko (qui vient d'être appelé en Bleu), un duo inédit qui règne sur la Ligue 1. Le travail des latéraux est aussi fondamental, et Deschamps ne s'y est pas trompé en appelant également Benjamin Mendy pour la première fois, après avoir offert à Djibril Sidibé ses premières minutes internationales en début de saison.
Mais il serait mal vu d'oublier les deux créateurs de cette équipe, le magicien Bernardo Silva (côté droit) et l'artiste Thomas Lemar (côté gauche), qui font de leur couloir un véritable enfer pour les latéraux adverses.
Ce dispositif permet à Jardim d'exploiter les qualités de projection et de réalisme de ce formidable groupe, qui est aujourd'hui en tête du championnat, mais aussi en quarts de la Ligue des Champions.