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samedi 28 janvier 2017

Nadal - Federer, une finale "vintage" aussi savoureuse qu'improbable

Rafael Nadal et Roger Federer vont donc s'affronter en finale de l'Open d'Australie. 2017. Il faut se pincer pour y croire, les deux meilleurs joueurs du siècle n'ayant jamais été aussi loin des sommets. Pourtant, le grand public a toujours cette fâcheuse tendance à les enterrer trop vite, l'un pour ses blessures et l'autre pour son âge.
Ils ont d'ailleurs chuté de manière spectaculaire au classement ATP durant leur période d'inactivité, l'Espagnol se retrouvant au bord du Top 10, tandis que le Suisse était proche de sortir du Top 20, ce qui est, vous vous en doutez, leur pire classement depuis une décennie.
Mais il n'était pas envisageable, pour ces monstres sacrés du tennis, d'agoniser lentement pour finir leur carrière dans les profondeurs du classement, loin des actuels chefs de file que sont Andy Murray et Novak Djokovic. Les voici donc de retour en haut de l'affiche, et il est interdit de bouder son plaisir à la vue de cette finale, dont voici les principaux ingrédients.

Un parcours semé d'obstacles.

Dans la première moitié du tableau, Roger Federer, 35 ans et tête de série n°17, peut compter sur deux premier tours favorables pour se mettre dans le rythme, avant de se coltiner les gros morceaux du circuit.
L'Autrichien Jürgen Melzer, de quelques mois son aîné, flotte aujourd'hui aux alentours du Top 300. Federer, sûr de son jeu mais en léger manque de rythme, lui cède une manche avant de reprendre le dessus (7-5/3-6/6-2/6-2).
Roger s'attaque ensuite à l'Américain Noah Rubin, un jeune de 20 ans qui tarde encore à s'imposer dans le Top 200. Une formalité sur le papier, mois sur le terrain, avec trois manches plutôt accrochées (7-5/6-3/7-6).
Vient alors le Tchèque Tomas Berdych, solidement ancré dans le Top 10 depuis une paire d'années, mais incapable de performer en Grand Chelem. Il sera balayé sans douceur par un Federer impitoyable (6-2/6-4/6-4).


Le Japonais Kei Nishikori, membre du Top 5 et révélation de ces dernières années, sera donc le premier obstacle de taille du Suisse, qui finit par s'en défaire en cinq sets (6-7/6-4/6-1/4-6/6-3).
Le plus dur devait être à venir pour le Bâlois, mais Andy Murray n'avait pu rallier les quarts de finale, sorti par Mischa Zverev, ancien espoir longtemps plombé par les blessures. Adepte du service-volée, l'Allemand ne bénéficie plus de l'effet de surprise, et tombe sur un Roger très appliqué (6-1/7-5/6-2).
Le duel tant attendu par la Suisse aura donc lieu, Stanislas Wawrinka ayant franchi son quart de tableau sans encombres. Malheureusement pour lui, un mauvais début de rencontre et une alerte au genou lui coûteront le match, remporté par un Federer très solide dans les moments importants (7-5/6-3/1-6/4-6/6-3).

De son côté, Rafael Nadal, 30 ans et tête de série n°9, peut s'attendre à moins de gros bras, mais à des premiers tours incertains face à des joueurs capables du meilleur comme du pire.
Pour son entrée en lice, il affronte l'Allemand Florian Mayer, ancien Top 20 aujourd'hui aux portes du Top 50. L'Espagnol ne tremble pas, et plie le match en trois sets (6-3/6-4/6-4).
Au deuxième tour se présente le talentueux Marcos Baghdatis. Le Chypriote, finaliste à l'Open d'Australie en 2006, est aujourd'hui n°35 au classement ATP. Son jeu léché en fait l'un des artistes du circuit, à défaut d'être l'un des meilleurs joueurs. Rafa évite piège avec sérieux et concentration (6-3/6-1/6-3).
Il doit ensuite se mesurer à l'un des joueurs les plus prometteurs du circuit, l'Allemand Alexander Zverev (petit frère de Mischa), âgé de 19 ans. Bousculé par le jeune prodige, il s'en sort dans la dernière manche, après avoir été mené durant la majeure partie de la rencontre (4-6/6-3/6-7/6-3/6-2).
Sa deuxième semaine débute par une opposition avec Gaël Monfils, le showman du tableau. Le Français, toujours aussi inconstant, ne fait illusion qu'en fin de match, sans pouvoir renverser l'Espagnol (6-3/6-3/4-6/6-4).


En quarts de finale, Rafa tombe sur Milos Raonic, tête de série n°3 et co-favori du tournoi (avec Wawrinka) après les éliminations de Djokovic et Murray. Le Canadien, vainqueur de Nadal à Brisbane deux semaines plus tôt, se fait surprendre par l'agressivité du Majorquin, imprenable sur cette rencontre (6-4/7-6/6-4).
La dernière marche avant les retrouvailles avec Roger sera la plus dure à gravir pour Nadal. Face à Dimitrov, revenu à son meilleur niveau après des années difficiles, l'Espagnol mène longtemps, avant de se faire peur. Dimitrov ne peut conclure deux balles de break à 4-3 en sa faveur dans la dernière manche, Nadal revient de nulle part pour lui prendre son service, puis s'imposer de manière miraculeuse (6-3/5-7/7-6/6-7/6-4).

Une rivalité unique.

Rafael Nadal et Roger Federer, ce sont avant tout deux joueurs que tout oppose, ou presque. L'Espagnol, de manière caricaturale, est le bourrin, le défenseur, le gaucher au revers à deux mains qui hurle à chaque frappe, et qui privilégie le courage à l'élégance. Le Suisse, de son côté, fait figure d'artiste, avec son jeu travaillé, son revers à une main et ses qualités d'attaquant.
Roger, depuis toujours, est le chouchou du grand public, de par son grand sourire et ses manières de gendre idéal. Rafa, lui, a longtemps été pris à partie pour son style de jeune adulte insouciant, cheveux longs et débardeur.
Bizarrement, son ultra-domination à Roland-Garros, au lieu de le couronner comme le meilleur joueur de l'histoire sur terre battue, l'a plutôt fait passer pour un joueur qui ne gagnait des titres que sur cette surface. Il a l'occasion de tordre le cou à cette réputation ce dimanche, car une victoire lui permettrait de devenir le premier joueur de l'ère Open à remporter chaque tournoi du Grand Chelem à deux reprises ou plus.

Il y a pourtant une raison à cette différence d'appréciation du public. En 2003, Roger Federer, âgé de 22 ans, remporte Wimbledon. Le monde du tennis découvre alors un jeune homme à la fois modeste, poli, élégant et spectaculaire. Il arrive comme chef de file d'une génération qui comporte également Lleyton Hewitt, qui tient plus du petit teigneux que de l'orfèvre, mais aussi Andy Roddick, au service aussi destructeur que son style était agressif.
Pour succéder au duo Sampras-Agassi, le seul joueur en mesure de conquérir le public était donc l'esthète, Roger Federer. Tout se passe bien pour le Suisse, qui enchaîne alors avec 7 titres en Grand Chelem, de Wimbledon 2003 à l'Open d'Australie 2006. Il se présente alors plein de certitudes à Roland-Garros, le seul tournoi majeur qui lui résiste encore. En finale, il tombe pourtant de très haut face à un gamin de 20 ans, déjà vainqueur l'année précédente pour sa première participation : Rafael Nadal.


L'Espagnol bat le Suisse, qui prend sa revanche lors de la finale de Wimbledon. En 2007, le scénario est identique, Rafa s'impose en France, Roger en Angleterre. Mais 2008 marquera un tournant dans la carrière des deux joueurs, et permettra de véritablement lancer cette rivalité.
En effet, Nadal s'impose de nouveau à Paris, mais il y met cette fois la manière : Federer est piétiné, maltraité, humilié (6-1/6-3/6-0). Le Suisse compte bien remettre les pendules à l'heure de l'autre côté de la Manche, mais au terme d'une finale absolument époustouflante, Rafa s'impose en cinq manches, et fait tomber le maître des lieux.
Pour couronner le tout, Nadal écarte une nouvelle fois Roger en finale de l'Open d'Australie, six mois plus tard. Le Suisse craque, finit en pleurs, mais son rival fait tout pour le consoler. Le public se prend alors d'affection pour ce joueur d'une modestie incomparable, qui s'excuse presque d'avoir battu ce joueur qu'il respecte de manière inconditionnelle.
Rafael Nadal gagne alors l'amour d'une partie du public, et force le respect de ceux qui resteront "pro-Federer".


Ce qui confère autant de charme aux rencontres opposant Nadal à Federer, c'est cette histoire commune absolument fantastique, cette opposition de styles spectaculaire, et, surtout, cette admiration mutuelle entre deux joueurs hors du commun, qui ne cessent de s'envoyer des fleurs, tout en se livrant de superbes batailles sur le court.
Leurs affrontements se faisant de plus en plus rares, à nous de profiter de cette occasion pour savourer cette chance de les voir évoluer sous nos yeux, à un tel niveau.

dimanche 22 janvier 2017

Olivier Giroud, l'incompris

Le scénario est désormais connu, mais il est tellement agréable de se laisser surprendre par la tournure des évènements. Qu'il est jouissif de profiter du retour au premier plan de cet attaquant jugé "maladroit, fragile et inconstant", que l'on aime critiquer à la moindre occasion manquée, pour mieux savourer sa capacité à répondre aux détracteurs en sortant son équipe d'une situation inconfortable.
Vous l'aurez compris, il est ici question d'Olivier Giroud. Souvent décrié, toujours pardonné, le Gunner n'a jamais fait l'unanimité. Mais il est toujours là, et n'a jamais semblé aussi fort.

Un profil atypique.

Loin des qualités techniques d'Antoine Griezmann, de la palette de Karim Benzema ou encore de la vitesse d'Alexandre Lacazette, Olivier Giroud souffre des comparaisons (plus ou moins objectives) avec ses compatriotes. Jugé, à tort, moins spectaculaire, il est bombardé à la moindre contre-performance.
Il est pourtant très précieux dans ce rôle ingrat de pivot, libérant des espaces pour ses partenaires d'attaque, et n'ayant de cesse d'aller au duel pour faire plier la défense adverse.
Car Giroud est un travailleur de l'ombre, un véritable aimant à ballons aériens, qui profite amplement à ses partenaires d'attaque, attentifs à ses remises. Très souvent dos au but, il excelle dans cette position exigeante, et s'est affirmé comme la référence actuelle dans ce style si particulier. Et les arabesques de ses coéquipiers, en club (Sanchez, Ozil, Walcott) comme en sélection (Griezmann, Payet, Pogba), le font souvent passer pour un joueur très maladroit, mais il suffit de prêter attention à ses remises pour constater le contraire.
En effet, il n'est pas rare de le voir dévier un ballon du talon, de la poitrine ou de l'extérieur du pied. Il suffit de se rappeler de cette combinaison fantastique à une touche de balle réalisée avec Jack Wilshere il y a quelques années, conclue par un but de l'Anglais, ou de cette subtile talonnade pour Antoine Griezmann, face à l'Islande lors de l'Euro.
Mais, parfois, la magie opère également de manière spectaculaire devant le but. Son coup du scorpion, rapidement devenu viral, n'est qu'une formidable piqûre de rappel de ce dont il est capable, preuve en est de ses ciseaux acrobatiques inscrits face à Crystal Palace et au Bayern de Munich l'an passé.



Une belle régularité dans l'efficacité.

Généreux dans les efforts, il fait également preuve d'une régularité redoutable dans son club. En effet, chez les Gunners, son bilan toutes compétitions confondues est le suivant :
- 17 buts et 12 passes décisives en 2012/2013 (47 matches joués),
- 22 buts et 12 passes décisives en 2013/2014 (51 matches joués),
- 19 buts et 4 passes décisives en 2014/2015 (36 matches joués),
- 24 buts et 6 passes décisives en 2015/2016 (53 matches joués),
- 10 buts et 5 passes décisives cette saison (21 matches joués).
Directement impliqué sur 131 buts en 208 rencontres (dont 135 titularisations), il est donc l'un des attaquants les plus réguliers du continent.
Il a également appris à être plus décisif dans les moments importants, signant un triplé capital sur la pelouse de l'Olympiakos l'an dernier en Ligue des Champions, ainsi qu'un autre coup du chapeau contre Aston Villa pour la dernière journée de championnat, offrant la deuxième place du classement aux Gunners.
Et que dire de ses récentes performances ? Auteur de 3 buts de dernière minute en l'espace d'un mois, il a signé son retour dans l'équipe avec brio, à tel point qu'il s'est vu confier le brassard pour un match de FA Cup.


Un comportement exemplaire en sélection.

Maintenu sur le banc durant les 6 mois de disette de Karim Benzema en 2013, il n'a pas bronché, travaillant de plus en plus dur pour gagner sa place, sans jamais critiquer Didier Deschamps, ni même laisser paraître de signes de colère ou de "rébellion" comme l'attaquant du Real a pu le faire.
Il a récemment su saisir sa chance à la suite des problèmes judiciaires de son principal concurrent, et s'y est imposé de par sa complémentarité avec Antoine Griezmann, et ses statistiques flatteuses : 21 buts et 8 passes décisives en 59 sélections.
Car ce total de réalisations le place parmi les plus grands, faisant de lui le douzième meilleur buteur de l'histoire des Bleus, avec le cinquième ratio des joueurs à plus de 50 sélections (derrière Platini, Papin, Henry et Trézéguet).
Lors de l'Euro 2016, il a parfaitement répondu aux violentes critiques du public français, inscrivant le premier but du tournoi, avant de livrer trois prestations de grande classe contre l'Irlande (une passe décisive), l'Islande (une passe décisive et deux buts) puis l'Allemagne.
Il est aujourd'hui l'avant-centre titulaire en sélection, même si l'opinion publique réclame désormais Lacazette et Gameiro pour le remplacer. Nous sommes donc bornés au point de répéter, inlassablement, les mêmes erreurs. Peu importe, Giroud fera ce qu'il sait faire de mieux, répondre sur le terrain, et nous nous mordrons une nouvelle fois les doigts pour avoir douté de lui.

dimanche 8 janvier 2017

Nanterre en déplacement à Gravelines-Dunkerque, récit d'une soirée dans le "Chaudron" du basket français

Ce samedi, le BCM de Gravelines-Dunkerque affrontait la JSF de Nanterre à l'occasion d'un match en retard, comptant pour la 14ème journée de Pro A. Hors du Top 8 avant la rencontre, les locaux se sont idéalement replacés en disposant de la JSF, 91-81, au terme d'une rencontre plaisante disputée dans une ambiance de feu. Récit d'un match pas comme les autres.

La première mi-temps.

Après avoir creusé un premier écart au bout de 5 minutes de jeu (13-5), le BCM, sous l'impulsion de l'Anglais Myles Hesson (20 points durant les 20 premières minutes), n'a pas voulu en rester là, fournissant les efforts nécessaires pour finir le premier quart-temps en tête (22-21), malgré un bon retour des visiteurs, guidés par l'Allemand Schaffartzik, déchaîne derrière la raquette (15 points à la pause, à 5/7 de loin).
Lors du deuxième quart-temps, les deux colosses que sont le Nordiste Richard Solomon (2,10 m pour 105 kg) et le Francilien Mathias Lessort (2,05 m pour 110 kg) se sont échangés quelques amabilités, faisant ainsi monter l'ambiance sur le parquet aussi bien qu'en tribunes. Juste avant la mi-temps, les locaux ont remis un coup d'accélérateur, avec un Justin Cobbs très altruiste à la mène (11 passes décisives), pour virer en tête après 10 minutes assez disputées (42-37).

La seconde mi-temps.

Le BCM a gardé l'avantage au score durant l'intégralité du troisième quart-temps, s'appuyant sur sa recrue, le Jamaïcain Henry. Alors qu'il évolue habituellement au poste de meneur, son coach est en train d'utiliser ses excellentes capacités physiques pour l'installer à l'arrière, tout en l'utilisant comme une arme aussi efficace qu'inattendue dans la raquette (8 rebonds, meilleur total du mach). Du côté de Nanterre, Schaffartzik et Morency ont montré d'inquiétants signes de nervosité, s'en prenant verbalement aux arbitres.
Lors du dernier quart-temps, Chris Warren, le meneur de la JSF, a tenté de secouer le cocotier (15 points), mais son homologue du BCM, Justin Cobbs, a pris ses responsabilités en rentrant la grande majorité de ses points du soir (12 unités), accompagné de l'inépuisable Kyle Gibson, auteur de 23 points (dont un panier de loin au buzzer) et toujours meilleur marqueur du championnat (avec une moyenne de 19 points par match). Les deux Américains ont ainsi donné un avantage définitif au BCM, pour obtenir une victoire précieuse dans la course aux playoffs (91-81).

Le dunk rageur de Solomon, sous les yeux dépités de Lessort et Morency
Ce qu'il faut retenir.

. La très belle performance livrée par deux équipes joueuses, pour l'une des rencontres les plus prolifiques de la saison (172 points marqués, contre une moyenne d'environ 150 sur l'ensemble des matches de Pro A). Contres, dunks, accrochages et tirs buzzer, les joueurs ont mis tous les ingrédients nécessaires à une belle soirée de basket.

. L'ambiance démentielle mise par les 3 000 spectateurs, aussi bien ceux du BCM que ceux de la JSF. Accompagnés de tambours, de trompettes et de leurs cordes vocales, ils ont tous fait vibrer l'enceinte, se montrant digne de l'affiche proposée.