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vendredi 24 juin 2016

L'hypocrisie du football

Face à l'émergence de "petites équipes" dans cet Euro, qui n'est pas uniquement la cause de l'élargissement du tournoi (passé de 16 à 24 nations), un débat divise le monde du football : faut-il voir d'un bon œil ce bouleversement de la hiérarchie, par des équipes souvent ultra-défensives et donc moins spectaculaires ? Il est temps de répondre à cette question, aussi inutile qu'hypocrite.

Prouver que le football n'est pas qu'une affaire d'individualités.

     Le meilleur exemple se trouve du côté de la Belgique. En effet, les Diables Rouges on beau posséder l'un des plus beaux effectifs du tournoi (la valeur marchande du seul Kevin de Bruyne est estimée à trois fois plus que celle des 23 Hongrois réunis), ils manquent cruellement d'équilibre et de solidarité. En terme de manière, leur premier tour est terriblement inquiétant (défaite contre l'Italie, victoire contre l'Irlande malgré une première période médiocre, victoire inespérée contre la Suède après un match très moyen), et leur insupportable vantardise peine à se justifier dans leurs performances.
     D'un autre côté, une "petite équipe" solidaire, courageuse et formée d'inconnus, comme tant d'autres : la Hongrie. Présentée comme l'une des trois équipes les plus faibles du tournoi, après avoir peiné à se qualifier malgré sa présence dans le groupe le plus faible des éliminatoires (Grèce, Irlande du Nord, Roumanie, Féroé, Finlande), elle ne possède que trois joueurs évoluant dans un championnat majeur (Kleinheisler, Szalai et Stieber, respectivement à Brême, Hambourg et Hanovre). Et pourtant, les Hongrois ont crânement joué leur chance, surprenant l'Autriche d'Alaba lors de la première journée (2-0), avant de faire jeu égal avec l'Islande (1-1), pour ensuite accrocher le Portugal après avoir mené trois fois au score (3-3). Pas mal pour une équipe "ultra-défensive" (meilleure attaque de la compétition !), qui a simplement su tirer le maximum d'un groupe de joueurs beaucoup moins sexy que celui de Marc Wilmots.
     En huitièmes de finale, ces deux équipes vont s'affronter. La Belgique part évidemment favorite, mais la Hongrie ne compte pas s'arrêter en si bon chemin, bien que son tournoi soit déjà une réussite.

La Hongrie, passée par les barrages pour finir première de sa poule avec la meilleur attaque du tournoi. Renversant.
Prouver que le football n'est pas qu'une affaire de spectacle.

     Beaucoup (trop) de gens ont tendance à penser qu'un beau match de football dépend du nombre de buts marqués, ce qui est une vision incroyablement réductrice d'un sport où la tactique est une priorité, au contraire de l'attaque à tout-va. Il est bien sûr évident qu'un 2-2 satisfera beaucoup plus de monde qu'un 0-0, mais il est primordial de souligner qu'un plus grand nombre de buts marqués ne correspond pas toujours à un plus grand nombre d'occasions, et qu'une équipe jouant la défense le fait parce qu'elle aura plus d'occasions de marquer ainsi qu'en se découvrant.
    
     Ainsi, l'Islande, donnée perdante face à l'Autriche, a pris le meilleur sur Alaba et ses partenaires (2-1), grâce à une performance tactique de haute volée. Un 4-4-2 d'apparence défensive qui a choisi de subir d'entrée pour mieux ouvrir le score après 20 minutes de jeu. Malgré l'égalisation de Schöpf à l'heure de jeu, les Islandais n'ont jamais dévié de leur stratégie initiale, et, alors que leurs adversaires poussaient vainement pour prendre l'avantage (23 tirs au total), ils ont mis fin à leurs espoirs par une contre-attaque chirurgicale à la dernière seconde, conclue par Traustason. 
     Un chef-d'oeuvre tactique, et sans doute l'un des plus beaux matchs de ce premier tour, malgré le jeu défensif (9 tirs seulement) de l'équipe gagnante. Vous avez dit ennuyeux ?

Le football en Islande, c'est 100 professionnels, dont 23 en huitièmes de finales de l'Euro. Efficace.
Se réjouir de l'émergence de nouvelles sélections.

     La mise en avant de nouvelles équipes, voici l'un des points positifs de ce nouveau format de l'Euro. En effet, 5 sélections découvraient la compétition cette année, et le moins que l'on puisse dire, c'est qu'elles s'en sont montrées dignes. Pour commencer, aucune n'a dû passer par les barrages pour y accéder, toutes ayant terminées dans les deux premiers de leur groupe (l'Irlande du Nord devant la Roumanie, le Pays de Galles derrière la Belgique, la Slovaquie derrière l'Espagne, l'Islande derrière la République Tchèque, et l'Albanie derrière le Portugal).
     Parlons maintenant de leur parcours dans cet Euro. Un mot pour le décrire : époustouflant. L'Irlande du Nord, jamais ridicule, se qualifie en terminant troisième (derrière l'Allemagne et la Pologne) après sa brillante victoire sur l'Ukraine (2-0) ; le Pays de Galles, meilleure attaque du tournoi, prend la première place de son groupe devant l'Angleterre, alors que la Slovaquie passe en terminant troisième de ce même groupe, à la faveur de son succès contre la Russie (2-1) ; l'Islande prend la deuxième place de sa poule, derrière la Hongrie et devant le duo Portugal-Autriche ; l'Albanie, troisième de sa poule derrière la France et la Suisse, est éliminée à cause de sa différence de buts défavorable, malgré sa belle victoire contre la Roumanie (1-0).

Bale et Ramsey, les stars du Pays de Galles, le meilleur exemple de la réussite des novices de cet Euro
     Le bilan est donc sans-appel : aucune dernière place, un taux de qualification de 80 % pour les huitièmes de finale, et une volonté de fer. Ce n'est pas un hasard si ces équipes se sont qualifiées pour l'Euro aux dépens de nations telles que la Grèce, les Pays-Bas, le Danemark ou encore la Serbie.
     Alors, par pitié, arrêtons de critiquer le jeu défensif de ces petits nouveaux quand nous nous prosternons devant celui de l'Italie (contre la Belgique) et de la Croatie (contre l'Espagne), car ces équipes ont simplement compris que jouer en bloc était la meilleure manière de compenser leur manque d'individualités. Soyons plutôt heureux d'assister à de belles surprises, de voir un début de renouveau dans ce sport, et de nouvelles têtes pour la phase à élimination directe.

mardi 21 juin 2016

La Roumanie s'arrête là

Alors que les Tricolorii avaient l'occasion d'atteindre la phase à élimination directe d'un Euro pour la première fois depuis 2000, en cas de simple victoire contre l'Albanie, ils ont perdu pied, pour finalement se faire surprendre par une courageuse équipe (0-1). Les Roumains quittent donc la compétition la tête basse, malgré un mach d'ouverture très convaincant, mais dont l'issue douloureuse aura laissé des traces indélébiles.

     Face aux partenaires de Lorik Cana, remplaçant au coup d'envoi, les joueurs d'Anghel Iordanescu sont globalement passés à côté de leur match, à commencer par Tătărușanu, d'ordinaire si fiable, qui s'est totalement troué sur le but de Sadiku.
     Sur les côtés de la défense, Săpunaru et Mățel n'ont pas été à la hauteur, même si le deuxième est un défenseur central de formation, positionné à gauche suite à plusieurs blessures. Il est d'ailleurs impliqué sur le but, n'étant pas assez agressif sur Memushaj, auteur de la passe décisive depuis son aile.
     Dans l'axe, Chiricheș et Grigore ont été malmenés par le puissant Armando Sadiku, auteur du seul but de la rencontre, mais aussi par la vitesse du trio Memushaj-Lila-Lenjani. Ce dernier a d'ailleurs failli ouvrir le score au milieu de la première période, mais s'est loupé face au but vide.
     Devant la défense, le duo de pures sentinelles Prepeliță-Hoban a pris l'eau, et s'est montré incapable de jouer les rampes de lancement des offensives de leur équipe.
     Derrière l'attaquant de pointe, des performances contrastées : Popa n'a que rarement su faire des différences sur son côté droit, car bien pris par le duo Agolli-Mavraj ; Stanciu a cruellement manqué de régularité, ne brillant que par intermittences ; Stancu, deux fois buteur dans cet Euro, a été le plus en vue offensivement, mais, trop esseulé, n'a pu peser sur l'issue du match.

Stancu, l'unique buteur des Roumains dans cet Euro
     Devant, Denis Alibec se devait de confirmer son excellente saison en club, et de qualifier la Roumanie pour le tour suivant. Il a échoué, parfaitement muselé par la charnière adverse, et sevré de ballons de la part de ses partenaires.

     La Roumanie quitte donc cette compétition avec beaucoup de regrets, à commencer par celui d'avoir craqué dans les moments cruciaux des trois rencontres. Les buts de Payet pour la victoire de la France, de Mehmedi pour un nul face à la Suisse, et de Sadiku pour une victoire de l'Albanie auraient pu être évités. Malheureusement, les partenaires de Stancu ont été pénalisés par cette fébrilité, ainsi que par leur pauvreté offensive. Deux buts inscrits, les deux sur penalty, c'est un bilan très maigre pour une équipe qui vaut mieux que ça.

vendredi 17 juin 2016

La Roumanie s'en contente

Après un match d'ouverture perdu sur le fil, les Tricolorii se devaient de redresser la tête face à la Suisse, afin de continuer à croire à la qualification pour les huitièmes de finale. Au terme de 90 minutes assez fermées, les Roumains ont obtenu un point précieux, mais devront à tout prix s'imposer face à l'Albanie pour prendre l'une des deux premières places. Retour sur la performance des joueurs d'Anghel Iordanescu.

     Dans les buts, Tătărușanu a une nouvelle fois tenu la baraque, ne s'inclinant que sur une demi-volée surpuissante de Mehmedi. Impeccable dans les airs, excellent dans ses relances, il reste un rempart indispensable à cette sélection.
     Les deux latéraux, Săpunaru et Raț, ont parfaitement résisté, respectivement aux duos Mehmedi-Rodríguez et Shaqiri-Lichtsteiner, et su faire profiter leur équipe de leur apport offensif. Malheureusement, leurs centres n'ont que rarement trouvé preneur.
     En défense centrale, Chiricheș et Grigore ont su contenir un Seferović très maladroit, mais ont été bousculés par l'entrée du jeune Embolo, aussi rapide que puissant, mais ont malgré tout su préserver le nul.
     Devant la défense, Prepeliță et Pintilii ont été globalement solides en première période, même si le trio Behrami-Džemaili-Xhaka leur a donné du fil à retordre. Le second est sorti à la mi-temps, remplacé par Hoban, qui, comme face à la France, a souffert dans l'entrejeu.
     Derrière leur attaquant de pointe, Torje, Stancu et Chipciu ont été excellents. Le premier a fait parler sa vitesse à plusieurs reprises, sans jamais ménager ses efforts défensifs. Le deuxième a de nouveau marqué sur penalty, et s'est encore montré précieux par sa polyvalence, jouant aussi bien ailier qu'attaquant de pointe. Enfin, le troisième a sans doute été le meilleur joueur de son équipe, tant ses accélérations ont causé de problèmes à l'expérimenté Lichtsteiner.

Chipciu prenant le meilleur sur Lichtsteiner, une image assez fréquente mercredi
     Enfin, en pointe, Keșerü n'a pas su peser sur la rencontre, étouffé par un duo de costauds, composé de Djourou et de Schär. Remplacé par Andone, toujours aussi infernal à marquer, mais sans solutions durant ses 10 minutes passées sur la pelouse.

Pour conclure, il est clair que la Roumanie a laissé quelques titulaires sur le banc, aussi bien pour récupérer d'un éprouvant match d'ouverture qu'en vue d'une rencontre décisive face à l'Albanie, petit poucet de ce groupe. Toutefois, même si la Suisse conserve sa deuxième place, la Roumanie peut logiquement espérer se qualifier en terminant troisième, mais cela dépendra surtout du nombre de points engrangés par rapport aux autres troisièmes.
    

samedi 11 juin 2016

La Roumanie n'a pas à rougir

Opposée à la France en match d'ouverture de l'Euro 2016, les Tricolorii ont livré un formidable combat, et sont même passés à quelques minutes de décrocher le nul. Au final, une défaite 2-1 qui, bien que prévisible, n'arrange pas les Roumains. Heureusement, ils peuvent se satisfaire d'avoir développé un jeu pénible pour l'adversaire, basé sur l'agressivité et la solidarité, sans jamais tomber dans la caricature. De bon augure pour la suite de la compétition.

     Présentée, à juste titre, comme une équipe essentiellement défensive n'apportant le danger que sur contre-attaque, la Roumanie a tordu le cou aux clichés en misant sur un certain nombre d'attaques placées, en grande partie grâce à l'incroyable jeu long de leurs défenseurs. Săpunaru, Chiricheș, Grigore et Raț ont multiplié les caviars à destination d'Andone
     Ces mêmes joueurs ont également été quasiment irréprochables devant et dans leur surface, écartant beaucoup de ballons dangereux, et n'hésitant jamais à se sacrifier pour contrer une frappe adverse. Ils ne sont absolument pas fautifs sur les buts encaissés, le premier, litigieux, étant dû à une sortie ratée de Tătărușanu (bousculé au passage par Giroud), alors que le second est pour Hoban et Pintilii, attentistes devant Payet.

Blaise Matuidi, le 10 juin 2016 face à la Roumanie.
Une photo révélatrice de la solidité défensive des Roumains et de la fébrilité des milieux français
     Les deux milieux, justement, ont été pris par l'enjeu, et ont souvent attendu l'intervention de leurs partenaires pour faire la différence dans l'entrejeu. Heureusement pour eux, Pogba, Matuidi et Kanté n'étaient pas dans un grand soir.
     Celui qui se sera démarqué, c'est le 10 de cette belle équipe, le talentueux Stanciu. Très facile techniquement, il a mis en difficulté les milieux français à chaque prise de balle, et parfaitement orienté le jeu. Il a aussi apporté le danger sur corner, et obtenu le penalty peu après l'heure de jeu.

Nicolae Stanciu, grand espoir de la Roumanie
Nicolae Stanciu, le futur de la Roumanie
     Sur les côtés, deux profils différents. Popa, droitier aligné à droite, était chargé de multiplier les débordements le long de la ligne pour ensuite centrer pour Andone. Stancu, droitier aligné à gauche, avait comme objectif de revenir dans l'axe sur son bon pied pour frapper. Grâce aux montées de leurs latéraux, ils ont su mettre Évra et Sagna en difficulté, mais Rami et Koscielny étaient présents.

     Enfin, en pointe, le jeune Andone a posé beaucoup de problèmes à la charnière des Bleus. En apparence, il devait ne pas exister dans les duels, car plus petit (1m80 contre 1m85 pour Koscielny et 1m90 pour Adil Rami) et moins costaud (75 kg contre 80 kg pour Koscielny et 90 kg pour Adil Rami). Mais sur le terrain, c'était une toute autre histoire. Agressif, dynamique, il a bousculé ces colosses, et les a envoyé valser plus d'une fois. Il aurait même dû obtenir un penalty en première période, fauché par Koscielny alors qu'il était à la retombée d'une transversale.

Pour conclure, il convient de souligner la performance majeure de cette équipe, que tout le monde voyait se faire piétiner par le pays organisateur et favori de la compétition. Malheureusement, l'absence d'un joueur tel que Payet, capable de faire la différence dans ces moments cruciaux, se fait encore sentir, même si Stanciu est appelé à devenir ce facteur X.
Il y a tout de même un motif de satisfaction évident : en jouant comme cela, impossible que la Roumanie ne passe pas le premier tour, aux dépens d'une Suisse désunie et d'une Albanie trop inexpérimentée.